Prédication du dimanche 8 juin, dimanche de Pentecôte. Par Jean-Marc Donnat, pasteur à la retraite.
A Pentecôte, nous célébrons l’effusion de l’Esprit et nous avons raison. C’est un évènement considérable, je ne veux pas rentrer dans le jeu puéril des superlatifs, juste relever que lors de notre naissance la vie nous est donnée et lors de notre nouvelle naissance, le Saint Esprit nous est donné, pas moins.
Ce don extraordinaire n’est pas simplement une grâce décorative. Ce n’est pas pour faire bien ou pour nous faire du bien, ce don a un sens et un but. C’est cela que je voudrais relever maintenant.
Jésus a utilisé plusieurs qualificatifs concernant l’Esprit, il a parlé de puissance survenant sur nous, il a évoqué la notion de consolateur… Avec le Saint-Esprit, nous pouvons tout ; la paix et même la joie sont au rendez-vous de toutes les circonstances de nos vies. Nous célébrons donc cette Pentecôte spéciale, immédiatement consécutive à la Pâque qui a vu la mort et la résurrection de notre Seigneur. Je vous propose maintenant d’écouter le récit fait par l’un de ces cent vingt qui étaient réunis au petit matin de cette fête rituelle.
Ce n’est pas simplement un témoin qui raconte, c’est un acteur de ces heures qui se souvient. Avec cette remarque nous touchons du doigt une première œuvre de l’Esprit en nous : incontestablement nous sommes chacun pour notre part des témoins de l’œuvre de Christ, mais la puissance qu’est l’Esprit ne nous laisse pas inertes et silencieux, elle fait de nous des acteurs de la marche du Salut dans le monde…
Nous retrouvons les souvenirs de notre personnage au moment précis, aux environs de neuf heures du matin, ou l’apôtre Pierre prends la parole pour expliquer et justifier ce chaos qui semble s’installer, discours qui nous est rapporté dans les Actes des Apôtres au chapitre 2 et au verset 14 :
(Actes 2 :14-36)
«Hommes de Judée et vous tous qui séjournez à Jérusalem, comprenez ce qui se passe et prêtez l’oreille à mes paroles!Ces gens ne sont pas ivres, comme vous le supposez, car il est neuf heures du matin.Mais maintenant se réalise ce qu’a dit le prophète Joël:Dans les derniers jours, dit Dieu, je déverserai de mon Esprit sur tout être humain; vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes gens auront des visions et vos vieillards auront des rêves.Oui, sur mes serviteurs et sur mes servantes, durant ces jours-là, je déverserai de mon Esprit et ils prophétiseront.Je ferai des prodiges en haut dans le ciel et des signes miraculeux en bas sur la terre: du sang, du feu et une vapeur de fumée;le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang avant l’arrivée du jour du Seigneur, de ce jour grand et glorieux.Alors toute personne qui fera appel au nom du Seigneur sera sauvée.
»Israélites, écoutez ces paroles! Dieu vous a désigné Jésus de Nazareth en accomplissant par lui, au milieu de vous, des miracles, des prodiges et des signes, comme vous le savez vous-mêmes.Cet homme vous a été livré suivant le projet défini et la prescience de Dieu. Vous l’avez arrêté, vous l’avez fait mourir sur une croix par l’intermédiaire d’hommes impies.Mais Dieu a brisé les liens de la mort, il l’a ressuscité, parce qu’il n’était pas possible qu’elle le retienne.En effet, David dit à propos de lui: Je voyais constamment le Seigneur devant moi, parce qu’il est à ma droite afin que je ne sois pas ébranlé.C’est pourquoi mon cœur est dans la joie et ma langue dans l’allégresse; même mon corps reposera avec espérance,car tu n’abandonneras pas mon âme au séjour des morts, tu ne permettras pas que ton saint connaisse la décomposition.Tu m’as fait connaître les sentiers de la vie, tu me rempliras de joie par ta présence.
»Mes frères, qu’il me soit permis de vous parler en toute franchise au sujet du patriarche David: il est mort, il a été enseveli et son tombeau existe encore aujourd’hui parmi nous!Or il était prophète et il savait que Dieu lui avait juré par serment de faire surgir le Messie, un de ses descendants, pour le faire asseoir sur son trône.C’est donc la résurrection du Christ qu’il a prévue et annoncée en disant qu’il ne serait pas abandonné au séjour des morts et que son corps ne connaîtrait pas la décomposition.
»C’est ce Jésus que Dieu a ressuscité, nous en sommes tous témoins.Elevé à la droite de Dieu, il a reçu du Père le Saint-Esprit qui avait été promis et il l’a déversé, comme vous le voyez et l’entendez [maintenant].David en effet n’est pas monté au ciel, mais il dit lui-même: Le Seigneur a dit à mon Seigneur: ‘Assieds-toi à ma droitejusqu’à ce que j’aie fait de tes ennemis ton marchepied.’ Que toute la communauté d’Israël sache donc avec certitude que Dieu a fait Seigneur et Messie ce Jésus que vous avez crucifié.»
…
Ce jour-là, C’est Pierre qui a compris le premier. C’est lui qui a pu expliquer ce qui se passait. Nous étions cent vingt à trainer toujours ensemble sans trop savoir que faire. Jésus avant son ascension nous avait dit d’attendre, d’attendre à Jérusalem quelque chose qu’Il appelait le « consolateur ». Inquiets et troublés, nous attendions sans avoir idée de ce que nous attendions. Et voilà que notre attente avait abouti à cet étrange cataclysme. Un déluge de paroles fortes, entendues et comprises, des langues de feu semblables à la lave coulant sur les pentes des volcans, la terre qui tremblait sous nos pieds… Il y avait là exactement les mêmes éléments que Dieu avait convoqués treize ou quatorze siècles plus tôt aux abords du mont Sinaï quand il avait choisi de se révéler alors que nos ancêtres erraient dans le désert sous la houlette du grand Moïse. Nous aurions dû être terrorisés, tous les témoins auraient dû mourir de peur, mais ce jour là c’est une étrange paix qui régnait. Nos aïeux n’avaient pas supporté la déclaration qui leur était destinée, mais maintenant que notre tour arrivait, nous étions ivres, ivres de joie, ivres de mots, ivres de foi. Et tous les témoins autour de nous qui ne comprenaient pas ce qui advenait nous croyaient ivres de vin. Dieu, l’Esprit de Dieu n’est plus une menace mais une promesse. Le Consolateur déversé sur nous,au creux de la cité poussiéreuse de Jérusalem pleine de la chaleur d’un début d’été. La paix a vaincu la peur.
Et Pierre qui parle, qui commente, qui explique, qui convainc… Enfin Pierre oui, mais Pierre plein de l’Esprit de Dieu. Pour lui s’accomplit ce jour-là une des promesses de notre Seigneur :
«…ne vous inquiétez ni de la manière dont vous parlerez, ni de ce que vous direz: ce que vous aurez à dire vous sera donné au moment même » (Matthieu 10 :19)
…
Jésus nous avait dit d’attendre, mais nous ne savions pas la durée que prendrait notre attente. Si nous avions compris la grandeur, la majesté, de ce que nous attendions, peut-être aurions-nous pu deviner ?
Pentecôte.
Pour ce don très spécial, qui nous était fait, il fallait bien un jour très spécial. Le jour de Pentecôte, le cinquantième jour après Pâques, Le jour de la fête des semaines, la deuxième grande solennité instituée par la loi transmise par Moïse…
Jésus, l’agneau de Dieu, a été offert en sacrifice à l’occasion de Pâques, Il est mort, il est ressuscité. La grande fête de nos aïeux a trouvé ce jour là son aboutissement et son sens caché depuis tant de siècles. Cette Pâque là était la vraie Pâque, celle qui justifiait toutes les autres. Le plus grand jour de l’histoire des hommes. Il m’a fallu longtemps pour comprendre cela, le Seigneur avait bien expliqué et répété les choses, mais il m’a fallu cinquante jours pour vraiment réaliser. Sept semaines et un jour.
Mais ce jour-là, ce jour ou l’Esprit est descendu sur moi comme sur tous les autres tout est devenu clair pour tous. Et c’est de cela dont nous avons parlé tout au long de ces heures. La connaissance, la joie et la paix, voila notre ivresse en ce jour de Pentecôte.
Illuminée par l’Esprit, notre représentation de la triste Pâque que nous avions vécue devenait fête, la plus profonde des fêtes.
…
Le sacrifice de Jésus-Christ et le don de l’Esprit Saint, les deux évènements fondateurs de la foi dans le Fils de Dieu, abrités dans l’écrin de deux grandes célébrations proposées par la loi reçue par le moyen de Moïse. Loi qui du coup s’éclaire d’une dimension insoupçonnée auparavant.
Il y a une correspondance complète entre la signification de la Pâque de la sortie d’Egypte et celle de la mort de Jésus. De la même façon la fête des semaines, la fête de Pentecôte trouve son sens le plus profond avec la dispensation de l’Esprit sur ceux qui par la foi appartiennent à Jésus Christ.
La fête de Pentecôte a au cours des siècles célébré la moisson, Le fruit de la terre, l’abondance accordée par Dieu à son peuple. Jésus quand il était avec nous a souvent évoqué l’image de la moisson pour parler du peuple de Dieu. Plusieurs paraboles, celle du semeur, celle de l’ivraie… parlent de cette moisson particulière.Et puis il y a cette recommandation fondée sur cette même métaphore :
« La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson… » (Luc 10 :2)
La moisson est grande, monumentale, miraculeuse.Nous l’avons vécu ce jour là quand l’esprit est survenu sur nous. Nous étions cent vingt au petit matin et le soir nous étions plus de trois mille. Un grain en a donné trente et cela en une seule journée.
Les voies de Dieu sont quand-même étranges. Nous qui croyons sommes à la fois la moisson, les moissonneurs et ceux qui se réjouissent avec Lui de la moisson !
Que va-t-il advenir de cette moisson d’âmes ? Dans quel grenier, dans quel entrepôt, dans quel silo va-t-elle être « serrée » ? Il ne suffit pas de rassembler la moisson encore faut-il la mettre à l’abri.
A ce sujet remontent encore des souvenirs de ce que le Seigneur disait et que nous ne comprenions pas bien sur le coup.
« Et moi je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise… » (Matthieu 16 :18)
« …dis le à l’Eglise et s’il refuse d’écouter l’Eglise, qu’il soit pour toi comme un païen. » (Matthieu 18 :17)
L’Eglise…
Nous ne savions pas ce que c’était, nous ne comprenions que très vaguement l’idée, mais au jour de cette Pentecôte unique, il y eut une révélation, encore une révélation par l’Esprit qui venait de nous être donné. L’Eglise c’était ces trois mille hommes réunis, cette foule était un abri, un corps, une armée en marche. L’Eglise comme une chose qui existe en soi et à laquelle le Seigneur rajoute ceux qui sont sauvés ; l’Eglise comme le lieu où la moisson est stockée, engrangée. Cette Pentecôte était aussi le jour ou était établi l’acte de naissance de l’Eglise.
Décidemment, les voies de Dieu s’avèrent de plus en plus étranges. Nous étions déjà la moisson, les moissonneurs, ceux qui se réjouissent de la moisson et nous voilà grenier, entrepôt, Eglise !
…
Le soir, nous étions heureux, plein de joie, plein d’espérance. Pleins d’une conviction très spéciale qui nous paraissait basée sur une logique imparable. Nous avions vu se dérouler sous nos yeux et à quelques jours d’intervalle,cinquante pour être précis, deux évènements immenses quelque chose comme le centre de l’histoire des hommes. Les deux premières fêtes juives de cette année avaient été marquées, exhaussées par la gloire de Dieu, par la majesté ineffable de son plan en voie d’accomplissement. Avec impatience nous attendions la troisième et dernière fête de l’année. Parce que pour les israélites depuis l’Exode, il y a trois grandes fêtes annuelles, trois grandes fêtes obligatoirement célébrées : Pâques, Pentecôte et la fête des cabanes au cœur de l’automne. Souccot.
« Vous habiterez pendants sept jours dans des cabanes … » (Lévitique 23 :42)
Une drôle de fête, ou en mémoire de la précarité du temps de l’Exode, on doit habiter pendant une semaine sous des abris de fortune. En fait en ces jours, on honore la fin des récoltes. La fin de toutes les récoltes : le vin, l’huile, le blé.
C’est la conclusion de l’année, abondance ou disette : tout est dit. La mesure de la bénédiction pour tout un an est maintenant connue, commence le temps du repos pour la terre et pour les hommes. La dernière fête, la finale.
J’attendais donc Souccot avec impatience, La troisième fête serait la dernière, surement l’apothéose de cette annéeprodigieuse. Pour la fête des cabanes, la récolte serait entièrement rentrée, le royaume de Dieu, au complet, établi pour l’éternité…
Plus que quatre mois et demi et Son règne serait venu.
Evident.
La vie, notre vision de l’existence en ont été profondément transformées. Plus besoin de prévoir, plus besoin de gérer. Juste vivre en attendant Souccot, la fête définitive et totale avec notre Seigneur enfin revenu. Je dois reconnaître une certaine incohérence de comportement, nous prétendons alors que nos bien ne nous appartiennent plus en propre, mais nous les vendons quand même, nous mettons l’argent dans le pot commun. Attendre dans une forme de réjouissance permanente.
Sauf que… Vingt ans ont passé, et il ne s’est rien passé. La fête des cabanes de cette année-là et toutes celles qui ont suivi ont été d’une banalité affligeante. Il ne s’est rien passé. Les romains nous oppriment toujours, la terre reste dure à travailler, heureusement que le Seigneur nous aide et nous bénit.
La troisième fête, la dernière fête reste à venir. La récolte n’est pas encore totalement rentrée, la fête ultime ne peut pas avoir lieu. Tous les jours nous apprenons les progrès de l’Eglise son accroissement, son affermissement. La bonne nouvelle se répand de plus en plus. Elle est parvenue bien loin, en Afrique, en Asie, en Grèce et peut être même en Italie, les extrémités de la terre ne sont pas loin. Même, maintenant, nous sommes quelque chose comme une institution.On nous a donné un nom, « chrétiens » …La vie n’est pas facile, les famines succèdent aux persécutions. Mais le Seigneur nous aide et l’Eglise est devenue si grande et la notion de partage est y est tellement évidente que nous avons pu tout surmonter et l’espérance est toujours là, vivante, tenace, inaliénable.
Mais bon, cela ne peut plus tarder maintenant dans un an ou deux tout sera terminé ; Il y a tellement de signes qui le montrent. En fait ce n’est pas grave, s’il nous fallait tenir dix ou vingt ans de plus nous pourrions le faire…
En tous cas, moi je suis prêt. La troisième fête, la dernière, la conclusion de l’histoire des hommes peut advenir : J’y serai !
Restez donc vigilants,
car vous ne savez pas
quand viendra le maître de la maison:
le soir, ou au milieu de la nuit,
ou au chant du coq, ou le matin.
Qu’il ne vous trouve pas endormis
quand il arrivera tout à coup!
Ce que je vous dis, je le dis à tous:
Restez vigilants.»
(Marc 1:35-37)
Amen !
